Tranche reflétée

Publié le par Poulpette

 

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En ce moment et sans raison particulière, je me rends compte que j’ai des sautes d’humeur. Enfin pas vraiment des sautes d’humeur dans le sens où je me mets en colère, plutôt des variations au niveau du moral. Un coup ça va super bien, un coup je me sens misérable. Rien que de très normal, du moment que les passages à vide ne durent pas, certes, mais ce qui me fait bizarre c’est de changer d’humeur aussi souvent, en moins de 10 secondes je passe de la bonne humeur à la plus sombre déprime, souvent à cause d’un truc insignifiant. Par exemple ce matin j’ai voulu planter mes bulbes de muguet, j’étais toute contente. En ouvrant la poche j’ai trouvé un bulbe moisi et un autre qui avait déjà fait des fleurs, les fleurs avaient jauni. J’ai tout jeté tellement j’étais dégoutée…

 

Mardi en entrant dans la salle de bain, je suis restée figée devant la glace, à regarder dans les yeux la nana en face de moi, à me demander qui ça pouvait être et où je l’avais déjà vue. Me suis pas reconnue, et pourtant j’avais mes lentilles, mais il m’a fallu bien 5 minutes pour me convaincre que c’était bien moi. Non, c’est pas une histoire de maquillage/naturel ou de prise/perte de poids, j’ai juste eu un moment de flottement, comme si j’étais pas vraiment dans mon corps. Depuis, j’arrête pas de jeter un coup d’œil dans toutes les glaces que je trouve, juste pour voir si je me ressemble ou si je suis devenue une totale étrangère. Et je continue à me demander si je suis vraiment moi, peut-être que j’ai beaucoup changé sans m’en rendre compte et que je viens juste de réaliser, que je m’étais pas bien regardée avant. C’est comme se tromper de coté en mettant ses lentilles, on sent un léger malaise, une impression étrange, mais impossible de mettre le doigt sur le problème.

 

Mais tout ceci n’est rien à coté de ce que j’ai réalisé aujourd’hui. Les vacances c’est bien, mais je crois que ça nuit à mon équilibre. Je m’explique. Ce midi je faisais la vaisselle, et quand je la fais, je la fais en grand, je lave même les affaires de Coloc (lequel se contente de laver ses propres trucs et ne touche jamais aux nôtres, faut pas déconner non plus, ça fait trois jours que je lave tout, et ce soir il a lavé son assiette en laissant les nôtres dans l’évier, c’est pas grave je ferai ça demain) et croyez moi, j’suis pas une fan de la vaisselle. Mais ça me semblait normal vu que les garçons travaillent, que je suis à la maison, j’ai rien d’autre à faire de mes journées, bref malgré toutes mes idées égalitaires homme/femme tout ça, si l’un des deux ne bosse pas, il peut se taper un peu plus de corvées ménagères.

 

Sauf qu’au milieu du truc j’ai réalisé d’un coup que j’ai un travail, vu que je sors tous les jours de chez moi vers 16h, je me lave, je m’habille, et je reçois un chèque tous les mois. Alors d’où vient cette idée que j’en fous pas une ? Et l’astuce est là : pendant 15 jours j’ai été chez mes parents pendant que le Koala allait chez les siens. Et pendant 15 jours (ou presque) mon père m’a demandé des nouvelles du Koala, comment ça se passe au lycée, si les élèves sont gentils, si c’est pas trop dur, comment il gère tout ça… Pour systématiquement terminer la conversation par un « C’est bien, le Koala, il a un travail, LUI ! » en me regardant d’un air à la fois inquiet et compatissant. Et à chacun de mes «  Mais moi aussi papa j’ai un travail, d’ailleurs depuis mes 18 ans j’ai toujours travaillé » (sauf deux ans, mais c’était sur demande expresse de mes parents pour que je me concentre sur mes études), et il me répondait « Non mais c’est pas du travail ça, le Koala il a la sécurité de l’emploi, il est fonctionnaire (non, il connait pas les Fatals Picards), il est tranquille, ses parents peuvent cesser de s’inquiéter ».

 

Donc voilà, je vaux rien, mon boulot c’est pas un boulot. Alors c’est vrai que changer les couches d’un gamin c’est moins gratifiant que de mener une cinquantaine d’élèves vers le brevet des collèges/ le CAP/BEP/BAC pro (rayer la mention inutile) en leur enseignant les subtilités de la classification périodique des éléments. D’où mon sentiment d’infériorité face au Koala, mon besoin de « rembourser » ma part de loyer (qu’il paye actuellement) en endossant les tâches ménagères. Puis la question. Est-ce que je vaux vraiment moins qu’un Koala Professeur de Maths ? Est-ce que je n’aurai aucune valeur tant que je n’aurai pas ce fichu concours ?

 

Puis j’ai réalisé. Le Koala a eu 30 ans cet été. J’ai eu 25 ans en décembre. Quitte à comparer nos situations, autant comparer ce qui est comparable, c'est-à-dire les 25 premières années du Koala, il serait injuste d’exiger de moi que j’atteigne son niveau alors qu’il a 5 ans d’avance, non ? Donc faisons le bilan à notre 25ème anniversaire à chacun. Le Koala était titulaire d’un DESS vaguement matheux (avec de l’électronique dedans, mais franchement, j’ai jamais bien pigé tout ça) et avait suivi un stage de 6 mois rémunéré 450€ par mois. Bilan, 2700€.

 

Le Poulpe est titulaire d’une médiocre licence en ethnologie dont personne n’a que faire, d’un bac avec option internationale qui lui a demandé 3 ans d’efforts acharnés, d’un équivalent du bac espagnol, et c’est tout pour les diplômes. De ce point de vue le Koala l’emporte. Mais le Poulpe, animal radin s’il en est, a été très tôt poussé par sa judicieuse maman à trouver un petit boulot dés ses 18 ans. Et c’est là que ça devient intéressant, surtout quand je commence à faire le total de tout ce que j’ai pu gagner. Depuis mes 18 ans, j’ai amassé (et dépensé aussi, faut bien vivre) entre 25.000 et 30.000€. Soit 10 fois plus que le Koala au même âge. D’ailleurs c’est pas à son argent que j’en voulais au départ vu que quand on s’est connu le Koala était au RMI.

 

Ça c’est les faits. Maintenant j’en appelle à ma cervelle pour s’auto-convaincre que je suis pas sans valeur tant que j’ai pas ce concours. Je sais très bien que le jour où je l’aurai, ils seront tellement contents que ça servira juste à confirmer qu’effectivement, on vaut rien tant qu’on est pas prof et que c’est qu’après qu’on commence à exister.

 

Je suis un canard. Enfin j’essaye. Pour l'instant c'est pas au point, ça retarde juste l'absorption.

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P
Non mais je sais que c'est pour mon bien, c'est forcément pour m'encourager, mais bizarrement ça me déprime plus qu'autre chose...
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C
Tu sais, selon moi, la valeur d'une personne ne tient pas aux diplôme qu'il a ou au travail qu'il effectue.<br /> J'ai connu des gens qui avaient de très bons emplois, mais en tant que valeur, ils ne valaient vraiment pas grand-chose.<br /> Et puis, il est toujours mauvais de se comparer à qui que ce soit.
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Z
[mode ado rebelle attardée on]<br /> Ah les parents...<br /> [mode ado rebelle attardée off]<br /> Je m'arrête là, hein, parce que je serais capable de polluer des pages et des pages de commentaires sur la question. C'est seulement que ton père s'inquiète pour toi, je suppose, pas parce qu'il y a des raisons de s'inquiéter mais parce que c'est indissociable de la fonction parent, il me semble. Certains le font plus ou moins adroitement.<br /> Je me contenterai de te dire que le printemps arrive, et que tout peut changer en moins de temps qu'il ne faut pour s'en rendre compte, que ça arrivera quand ça arrivera. J'ai encore tout un tas de banalités aussi affligeantes en stock.<br /> Parce qu'en fait, je parle un peu pour ne rien dire. Je voulais juste te laisser un petit mot parce que ça va pas fort. Mais y'a pas de raisons que ça dure.
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L
dis donc il est vraiment avare de gentillesse le coloc: laver que ses affaires!!!!<br /> et non tu n'es pas rien, tu bosses dur, et garder un gamin c'est pas aussi facile que certaines personnes peuvent le penser. et les parents, ben c'est des parents, ça sait plus ce que tact veut dire et ça s'inquiète tout le temps. ne laisse personne te dévaloriser, souvient toi tout le temps des compliments et fais à ta manière. c'est ta vie à toi et si elle te satisfait comme ça pour l'instant, c'est le principal
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